Le CURCUMA : sa culture, sa cuisine et les secrets ayurvédiques du curry

28/01/2019 | Alimentation

José Veys est un passionné et nous avons la chance de le côtoyer presque au quotidien puisque les Jardins de Pomone, ce magnifique projet co-créé avec Anne Bortels, se sont implantés chez nous.

Rencontrer Anne et José, les voir s’activer dans leur jardin, les écouter nous parler de la terre et de sa générosité quand on la traite bien, sont, pour nous, des moments précieux, de ceux qui nous invitent à nous recentrer sur l’essentiel.
Passionné par la terre, la botanique, la gastronomie, l’histoire, les connaissances, avide de transmettre ses expériences et ses savoirs José nous fait le plaisir de nous partager quelques textes qui trouveront tout naturellement leur place dans nos newsletter et sur notre blog.

Ce premier envoi de 2019 nous emmène à la (re)découverte d’une épice orientale, le curcuma.

Le CURCUMA : sa culture, sa cuisine et les secrets ayurvédiques du curry

CURCUMA

ce terme est familier aux amateurs de cuisine. Mais en évoquant cette épice orientale que nous n’hésitons pas à incorporer dans nos plats, c’est bien souvent à une fine poudre de couleur jaune orangée vendue dans le commerce que nous pensons. Or le curcuma, c’est bien plus que ça, et je vous propose de le découvrir dans sa réalité naturelle.

Petit préalable : le même mot curcuma désigne à la fois l’épice … et la plante qui permet de la produire.

Le curcuma est apparenté au gingembre. Comme lui, il provient d’un rhizome (tige souterraine) brun clair. Si la chair du rhizome de gingembre n’a pas de couleur particulière (elle est d’un blanc-beige assez  terne), celle du rhizome du curcuma s’en différencie par une coloration jaune-orange éclatante qui rappelle le safran. Les racines – au goût musqué, mais peu odorantes – sont bouillies, pelées, puis séchées au soleil durant environ une semaine. Elles seront ensuite moulues pour produire la poudre jaune-orange vif qui colore traditionnellement les « curries ». Comme cette poudre revient moins cher que les colorants artificiels, il y a belle lurette déjà que l’industrie alimentaire en utilise souvent l’extrait  (c’est le E100 – curcumine indiqué sur les emballages) dans le beurre, les fromages, les boissons et des condiments vinaigrés, comme la sauce anglaise, la moutarde ou le pickles. Rien de grave : pour autant que l’extraction n’ait pas été réalisée avec des solvants chimiques laissant des résidus néfastes, cela reste un produit d’origine naturelle considéré à tout le moins inoffensif pour la santé. Comme substance antioxydante, la curcumine aurait des effets anti-vieillissement et contribuerait à la prévention de différents cancers.

La plante de curcuma

En débutant cette note, j’avais attiré intentionnellement votre attention sur le fait que le mot « curcuma » désignait à la fois l’épice et une plante vivace tropicale de la famille des zingibéracées. D’un point de vue botanique, cette distinction a son importance. Pourquoi ? Le curcuma est en fait un genre botanique qui comprend de nombreuses espèces ; environ une quarantaine, la plupart ramifiées en d’innombrables variétés ou cultivars !!! Et seules quelques espèces se prêtent à l’usage culinaire sous la forme d’épice.

La belle épice colorée que nous connaissons provient le plus souvent de l’espèce cultivée curcuma longaLinné (aussi scientifiquement désignée curcuma domestica Valeton). On n’a pas retrouvé l’origine sauvage de cette espèce, mais on peut estimer que sa culture en Inde remonte à plus de 4000 ans. Les textes indo-européens nous renseignent sur le caractère sacré de cette épice, et son importance ayurvédique et rituelle apparaît clairement dans les légendes de GANESHA, le dieu à tête d’éléphant de la mythologie hindoue.

Ganesha, né des amours de Shiva et Parvati, eut un jour la tête tranchée par son père furieux de le voir l’empêcher d’accéder dans la salle où sa mère prenait son bain. Horrifiée et furieuse à son tour, Parvati menaça son violent amant de détruire tout l’univers. Shiva, confus, trancha alors la tête d’un éléphant qui passait à proximité et l’appliqua sur les épaules de Ganesha, qui fut ainsi ressuscité. Shiva, séduit par le jeune garçon âgé de cinq ans, l’adopta comme son fils légitime.
Devenu adulte, Ganesha épousa en grande cérémonie les deux filles  de Brahma : Siddhi (la Réalisation), et Buddhi (l’Intelligence). Le curcuma, symbole de purification, de fécondité et de fidélité, remède ayurvédique par excellence, figure en bonne place dans les récits de ces noces légendaires.

Proche du curcuma longa  du subcontinent indien, on connaît également un  CURCUMA INDONÉSIEN appelé localement « temoe iawaq » ou « temulawak » (curcuma xanthorrhiza  Roxburgh). Mais son utilisation est bien moins culinaire que médicinale, même si la poudre de ses rhizomes lui vaut également le surnom populaire de « safran des Indes » donné au curcuma indien.

 Le ZÉDOAIRE (curcuma zedoaria Christmann) – ou GIGEMBRE BÂTARD – est également une espèce de curcuma dont les rhizomes sont utilisés dans la cuisine asiatique. Il est fort peu connu des Européens, qui le confondent facilement avec le galanga (alpinia galanga  Willdenow), le « khaa » de la cuisine thaïlandaise ou « liang-tian » de la cuisine chinoise. Avec sa saveur de gingembre adoucie, et un parfum qui rappelle  la mangue mûre, il mériterait certainement d’être plus largement découvert et valorisé par les gourmets occidentaux. 

ATTENTION ! Outre les trois espèces alimentaires, médicinales, cosmétiques et tinctoriales de curcuma que je viens d’évoquer, vous trouverez souvent dans les jardineries une espèce de curcuma avec une splendide floraison rose-mauve, aussi appelée « TULIPE DE THAÏLANDE » (curcuma alismatifolia  Gagnepain). Désolé, mais cette espèce ne doit pas être consommée. Ne vous avisez surtout pas d’en  récolter les rhizomes à cet effet.

La « tulipe de Thaïlande » est une espèce de curcuma cultivée pour sa floraison très décorative. Ses rhizomes ne sont absolument pas consommables !

La plante du curcuma longa a une hauteur qui varie entre 60 cm et 1 m. Ses feuilles, dressées et lancéolées, sont engaînées et longues. Selon la variété, la forme est oblongue ou elliptique. La nervure axiale – puissante et bien marquée – se ramifie en nervures secondaires parallèles. Au centre de la plante s’élève une inflorescence formée par un axe densément garni de fleurs de couleur blanc-jaunâtre entourées de bractées vert pâle.

Ce sont les ramifications des rhizomes tubéreux, de forme plutôt ovoïde, que les anglophones appellent « arrow rooth » et les francophones « doigts de curcuma« . Ces doigts sont particulièrement riches en amidon, en arabinogalactanes et en curcumines colorantes.

La culture du curcuma

En Belgique ? Impossible, me direz-vous ? Eh bien, non, pas tout à fait. Poussé par la curiosité, j »ai tenté l’expérience avec quelques tronçons de rhizomes enfouis à 8 cm dans un terreau universel contenu dans des pots horticoles de 1,5 l. Des plants significatifs ont pu ainsi être obtenus après 6 semaines environ, puis installés en pleine terre durant l’été. Ils ont fleuris au début du mois d’août. Début octobre, les fleurs ont flétri et les conditions automnales ont fait jaunir une bonne part du feuillage, le reste devant disparaître dans les deux ou trois semaines suivantes. Mais les souches sont restées saines et en bon état. Je les ai déterrées, divisées et réinstallées dans des pots de 25 l, avec un drainage  important (dans la serre (non chauffée). Sachant que la récolte des rhizomes nécessite normalement 9 mois de culture,  j’ai conservé les souches au mieux et à l’abri dans un terreau de semis pauvre en engrais.  Les rhizomes sont généralement réputés très résistants à la sécheresse et même au gel (jusqu’à moins -15°C !). Et j’en ai obtenu de magnifiques plants l’année suivante, qui ont été installé à l’extérieur au mois de juin de l’année suivante et ont offert de splendides floraisons. Mais je reste parfaitement conscient du caractère décalé, empirique et aléatoire de cette expériences de culture qui pourtant, j’en suis sûr, pourrait passionner plusieurs d’entre vous.

La cuisine au curcuma

Dans les mélanges d’épices pour curry, le curcuma est un des ingrédients essentiels. C’est lui qui confère au mélange sa belle couleur caractéristique. Pour les gastronomes connaisseurs, le meilleur curcuma est celui qui est produit dans le district d’Allepey (Etat du Kerala) et dans la région de Chennai (l’ancienne Madras) sur la côte de Coromandel.

 Les épices de base associées au curcuma dans un curry traditionnel (il en existe d’innombrables variantes par région) sont :   CANNELLE – CORIANDRE – CUMIN – GIMGEMBRE – GIROFLE – NOIX DE MUSCADE – PIMENT FORT – POIVRE. Dans toute la cuisine indienne, le curry aromatise les plats de légumes, de poissons et de viandes en sauce accompagnés de riz, de céréales  ou de légumineuses.

L’arôme du curcuma est somme toute assez discret : légèrement poivré, avec un zeste d’amertume. Si ce n’était toutes ses propriétés favorables à la santé, on pourrait presque croire que son principal intérêt réside dans sa couleur. Une petite pointe de couteau dans l’eau de cuisson du riz ou dans un court-bouillon, et sa couleur jaune orange vous projette d’emblée dans un enivrant exotisme culinaire. Les fins gourmets l’associent presque toujours au poivre noir du Kerala, ce qui en amplifie la saveur.

Si le curcuma est appelé souvent « safran des Indes » au « safran du pauvre« , c’est parce que le vrai safran (qui provient lui des fleurs d’une espèce de crocus, et non pas d’un rhizome) est aussi très colorant. Mais il a un tout autre goût, et son prix très élevé ne le rend pas le vrai produit accessible à tout le monde. Il en résulte depuis des siècles beaucoup de fraudes dans lesquelles le curcuma remplace artificieusement le safran. Et en ce domaine, les consommateurs occidentaux sont régulièrement les meilleurs « pigeons » de commerçants peu scrupuleux. Autrement dit: le curcuma – bon marché – n’est pas du safran. Mais les marchands arabes entretiennent savamment la confusion depuis des siècles en appelant le curcuma « safran des Indes ». (Le mot arabe « kourkoum« , dont dérive le terme « curcuma« , désigne d’ailleurs expressément le safran dans cette langue.) 

Vendu presque toujours en poudre, le curcuma s’évente facilement; Le cordon bleu ne s’en rend pas toujours compte, parce sa couleur, elle, ne s’altère pas aussi vite. Il faut donc le conserver en petite quantité, bien au sec et à l’abri de la lumière pendant 6 mois au maximum.

Le curcuma et notre santé

Le curcuma contient des composés phénoliques, appelés curcuminoïdes, qui lui confèrent des propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires puissantes. En Inde et en Chine, la poudre de curcuma est largement utilisée en médecine traditionnelle pour traiter les problèmes digestifs, les ulcères, diverses infections et inflammations. (Des compresses préparées avec du curcuma soulageaient l’acné, la gale, la vérole ou le pian et en résorbaient les vilaines séquelles sur la peau). L’ingestion de curcuma était justement réputée pour activer la circulation sanguine, soulager les règles douloureuses et atténuer les douleurs articulaires rhumatismales.

Le curcuma, plante tinctoriale 

Dans de nombreux pays d’Asie, la teinture extraite du curcuma est utilisée pour colorer les tissus des vêtements portés lors des grandes cérémonies. Naissances, rites initiatiques, fiançailles, mariages, crémations … Jusque dans lamaseries perchées sur les flancs de l’Himalaya, les robes des moines sont teintées avec du curcuma, et la couleur de cette épice reste ainsi symboliquement attachée à la spiritualité bouddhiste.

Votre jardinier bien cordialement dévoué,
José

 

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