Le raifort, raconté par JOSE VEYS

03/02/2020 | Belles Histoires

UNE NOTE DE JOSE VEYS DES JARDINS DE POMONE

 

Le RAIFORT : « radis de cheval », « cranson » ou « moutarde des moines »…
Ca débouche le nez !
« Le radis vaut son poids en plomb, la betterave son poids en argent … 
et le RAIFORT son poids en or.
« 

Selon une tradition populaire entretenue surtout en Alsace, ce dicton rappelle un oracle qui aurait été rendu par la Pythie du temple de Delphes à Apollon, dieu auquel on attribue l’introduction du raifort dans la Grèce antique comme aphrodisiaque. C’est manifestement une légende bien plus tardive. (Du reste, la betterave, légume issu de la bette, ne serait apparue qu’à la fin du 15ème siècle … selon l’érudit allemand contemporain Agricola.)

Effet de mode : ces dernières années, les cordons bleus occidentaux vantent souvent et utilisent dans certaines de leurs préparations un ingrédient condimentaire appelé WASABI. Il s’agit en fait d’un produit importé et commercialisé en poudre ou en pâte, de couleur verte, obtenu à partir de la racine d’une plante du même nom cultivée au Japon  (Wasabia japonica [Miq.]  Matsum). Cette plante a des vertus médicinales et des performances aromatiques très étroitement similaires à une autre plante condimentaire, bien de chez nous celle-là : le Raifort. Il est d’ailleurs a priori surprenant qu’une plante exotique ait pris ainsi le pas sur une plante locale beaucoup mieux adaptée à notre climat et à nos potagers, presque au point d’en avoir fait oublier ses usages –  sinon son existence – à beaucoup d’entre nous.

Le RAIFORT (Armoracia rusticana Gaertner, Mey, Scherbius ou Cochlearia armoracia Linné) est – comme son cousin wasabi d’ailleurs – une plante de la grande famille des brassicacées (ex-crucifères). Son origine botanique semble être la steppe pontique (une vaste région proche de la Mer Noire, incluant une partie de l’Ukraine et de la Russie).

Son usage alimentaire est très ancien chez les peuples slaves et germaniques. Il ne peut cependant pas être attesté par une document historique antérieur au  XIIème siècle, époque où on le retrouve mentionné pour la première fois dans des recettes de sauces.

Dans une progression militaire inexorable (« Drang nach Osten »), les peuples allemands (Chevaliers teutoniques et Porte-glaives au Nord, Saxons au Sud) investissent les territoires slaves vers l’Est et soumettent les populations. On raconte que les « missionnaires » ayant constaté que leurs chevaux retrouvaient rapidement une vigueur exceptionnelle après avoir mangé des racines de raifort, ce mirent à en manger eux-mêmes pour ravigoter leur ardeur. De là viendraient les noms populaires de « radis de cheval » et de « moutarde des Allemands » donnés parfois au raifort.

Au Moyen-âge, on disait aussi que le raifort avait des vertus aphrodisiaques, ce qui aux yeux de la science moderne peut s’expliquer par ses vertus vraiment stimulantes. Mais alors pourquoi l’avoir appelé aussi « moutarde des capucins » ou « des moines » ? Officiellement, Aphrodite n’a jamais fait bon ménage avec des religieux voués à la chasteté…

Aujourd’hui, le raifort  est une plante subspontanée  ou naturalisée dans presque toute l’Europe. A l’état sauvage, il pousse de préférence sur les talus, les bords des ruisseaux et à proximité des lieux humides. Très rustique, solidement fixé par de fortes et profondes racines, il ne craint ni le gel, ni la sécheresse. Seuls des sols trop lourds et l’humidité stagnante l’empêchent de s’accommoder.

Sa racine principale, cylindrique, peut atteindre une cinquantaine de centimètres de longueur. Charnue et divisée, elle est recouverte d’une peau épaisse et rugueuse de couleur jaune-brunâtre. A l’intérieur de la racine, la chair est blanche.

Les tiges sont dressées, rameuses, feuillues. Elles portent des feuilles basales pétiolées de grande taille, et des feuilles colinéaires plus petites et sessiles.

 

 

 

 

 

Une ou plusieurs hampes florales  porteront chacune au mois de juin un panicule ample chargé de petites fleurs blanches odorantes à quatre pétales. En juillet-août, la nouaison fera apparaître de petits fruits globuleux,  du type silicules. Chez nous, ces fruits mûrissent rarement, et les graines plates qu’ils contiennent resteront dont le plus souvent stériles.

 

 

La multiplication du raifort s’effectue donc de préférence végétativement, par bouturage de tronçons de racines ou division verticale des touffes au printemps (mars-avril). Idéalement, les segments de racines doivent être prélevés dans un plant en place depuis au moins trois ans.

En cuisine, ce sont principalement les racines qui sont préparées et consommées. Mais les jeunes et petites feuilles du printemps également. (Plus tard dans l’année, le goût du feuillage devient si amer qu’il serait déplaisant pour la plupart des gourmets occidentaux).

La saveur des racines rappelle celle du chou, mais beaucoup plus prononcée et piquante. Dans la bouche, elle produit l’effet fortement accentué de la moutarde forte de Dijon. Cela dégage le nez, et fait même souvent éternuer. Comme ces racines sont fibreuses, il y a lieu de les râper, de la même mabière qu’on le ferait par exemple pour une main de gingembre.

Dans un potager, le raifort figure parmi les plantes pérennes ; c’est-à-dire celles qui peuvent croître sans problèmes pendant plusieurs années consécutives sur une même emplacement. La récolte des racines se pratique généralement au printemps ou à l’automme, en soulevant légèrement la souche à la fourche ou à la bêche pour prélever quelques tronçons. Immédiatement après la récolte, on rebouche le trou au pied de la souche avec de la terre mélangée avec un tiers de sable et on laisse la plante se développer à nouveau pendant 6 à 12 mois.

Les racines récoltées se conservent bien et longtemps. La meilleure méthode de conservation consiste à les stocker à la cave, enfouies dans un bac contenant du sable légèrement humidifié. Mais on peut également conserver la racine pendant plusieurs semaines en l’enroulant dans du film plastique et en la plaçant dans le bac à légumes dans le bac du réfrigérateur. Certains n’hésitent pas à congeler la racine pour la conserver. Cela n’altère pas l’ingrédient.

Outre sa forte teneur en calcium (140 mg/100 g) et en fer (2,1 mg/100 G), le raifort est notamment très riche en vitamine C (80 mg /100 g, soit bien plus que le citron). Il contient également des quantités significatives de vitamines B1, B2 et PP. L’huile essentielle de la racine contient des glycosides, des résines et des enzymes qui lui confère des propriétés digestives, laxatives et expectorantes.

A doses modérées, la consommation du raifort peut nous prémunir contre la grippe et l’état de fatigue. C’est un ingrédient puissamment antiscorbutique et diurétique, Il agit aussi comme stimulateur de la circulation sanguine. Ses propriétés antiseptiques l’indiquent pour combattre de nombreux cas d’infections pulmonaires. Appliqué en cataplasme, il peut être utilisé pour soulager les douleurs rhumatismales.

 

ATTENTION ! Les personnes à la peau très sensible, sujettes à des allergies  ou en phase d’hyperthyroïdie doivent éviter la consommation de raifort. Il y a également contre-indication pour les personnes pathologiquement nerveuses et les femmes enceintes.

  

D’une manière générale, retenez que le raifort consommé en quantités excessives deviendrait irritant et rubéfiant (= effet analgésique provoquant une rougeur par dilation des vaisseaux sanguins avec afflux de sang dans la zone affectée) jusqu’à présenter un réel danger de toxicité.

 

Le raifort en cuisine

De saveur âcre et piquante, avec une odeur pénétrante, la racine de raifort doit être lavée, épluchée et ensuite râpée ou découpée à la mandoline en rondelles ultra-minces. La pulpe obtenue par râpage peut-être consommée soit nature, soit adoucie dans un mélange avec de la crème fraîche ou de la mie de pain trempée dans du lait.

Traditionnellement, le raifort est servi pour aromatiser les plats de viandes (bœuf et porc), les salades de hareng et de pommes de terre, le saumon fumé …

De nombreuses sauces se préparent également avec le raifort. Parmi elles, deux références gastronomiques classiques :

La sauce froide au raifort

  • Tremper de la mie de pain dans du lait, puis la presser.
  • Ajouter du raifort râpé, du sel, du sucre, de la moutarde anglaise, de la crème fraiche épaisse et du vinaigre.

La « Sauce Albert » (une préparation classique chaude au raifort)

 Faire cuire  4 cuillerées à soupe de raifort râpé dans 20 cl de consommé blanc.

  • Ajouter 20 cl de sauce au beurre blanc (à l’échalote).
  • Faire réduire, puis passer.
  • Délayer 2 cuillerées à soupe de moutarde anglaise avec 2 cuillerées à soupe de vinaigre.
  • Lier la sauce avec 2 jaunes d’œuf, puis ajouter la moutarde délayée avec le vinaigre.

 

 Bien chlorophyllement dévoué,

José

 

 

 

 

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