La primevère officinale un coucou printanier

10/03/2019 | Jardinerie

Une note de José Veys, des Jardins de Pomone

Si on l’appelle joliment « coucou », c’est parce que les petites fleurs jaunes de la primevère officinale annoncent généralement le printemps … bien avant le retour des hirondelles ! Et c’est bien ce signe sympathique de la fin de l’hiver que nous attendons avec impatience.

Dans les jardineries, on trouve déjà depuis le mois de décembre de petites primevères horticoles aux fleurs multicolores. Ces plantes sont certes fort jolies, mais vous m’en excuserez, elles ne m’intéressent pas. Trop de tripotages, et pas  assez de naturel ! Dans ce billet, mon propos se portera sur les espèces sauvages, bien de chez nous, et éventuellement susceptibles de participer à notre alimentation. Encore une excentricité de ce jardinier atypique, penseront certains ?!  Et bien non, pas du tout, il y a des siècles que la primevère se consomme au printemps et fait du bien à notre santé. Encore un ingrédient de saison que le commerce ne nous offre pas !

LA PART DE THÉOPHRASTE (Botanique)

Lorsque je parle de primevères sauvages de nos régions, je fais référence à quatre espèces seulement, pas aussi aisées à identifier qu’il n’y paraît, parce leur morphologie – par un phénomène que les botanistes appellent « hétérostylie« – favorise les pollinisations croisées.

  • Hétérostylie:  phénomène qui se produit sur des plantes présentant simultanément deux types de fleurs – parfois plus – les unes à styles courts, les autres à styles longs.
  • Style : rétrécissement plus ou moins long qui unit l’ovaire de la fleur à un seul ou plusieurs stigmates.
  • Stigmate: c’est l’extrémité du carpelle ou du pistil dont la surface collante retient le pollen.
  • Carpelle: (attention, terme de genre masculin!) partie de la plante constituée par un ovaire, un style et un stigmate.

Je pense être à peu près exhaustif en citant quatre espèces de primevères sauvages indigènes à fleurs jaunes qui croissent spontanément dans nos régions, à savoir :

  1. La PRIMEVÈRE ACAULE (Primula vulgaris Linné ou Primula grandiflora), 5 à 10 cm de haut, dont les fleurs jaune pâle sont solitaires, portées chacune par un long pédoncule qui les rattache à une tige si courte qu’on ne la voit presque pas (d’où son qualificatif d' »acaule », qui signifie « sans cou« ). Bien que les fleurs de cette espèce n’aient pratiquement pas de parfum, elles sont très prisées depuis des siècles  par les Anglais – à la fois comme symbole printanier et pour leur comestibilité. On les utilise – ainsi que les jeunes feuilles – pour décorer et agrémenter des plats printaniers traditionnels.
  2. La PRIMEVÈRE ÉLEVÉE (Primula eliator), hampe florale de 10 à 30 cm de haut, aux feuilles plus rugueuses, et dont les fleurs sont de couleur jaune-soufre, plus foncées à la « gorge ». Cette espèce ne dégage pas de parfum immédiatement perceptible.
    Gorge : ce terme désigne la partie tubulaire supérieure de la corolle d’une fleur dont les pétales sont soudés entre eux lorsque les pétales
  3. La PRIMEVÈRE « OREILLE D’OURS », appelée aussi Auricule (Primula auricula), hampe florale de 5 à 20 cm, toujours à fleurs jaunes d’un aspect mat farineux, mais avec une gorge blanche, et des feuilles beaucoup plus épaisses et lisses. Les fleurs sont agréablement odorantes.
  4. Enfin, il y a la PRIMEVÈRE OFFICINALE ou primevère vraie (Primula officinalis Linné ou Primula veris ), celle qui mérite le plus justement son nom de « COUCOU » et notre attention de gourmets. Les feuilles de cette espèce sont également regroupées en rosettes; leur forme est ovale, oblongue et obtuse. La hampe florale fait de 10 à 30 centimètre de hauteur. Ses fleurs sont caractérisées chacune par cinq petites taches oranges à la gorge, et libèrent un parfum exquis.

LA PART D’HIPPOCRATE (Santé – Médecine)

De l’Antiquité à la chute de l’empire romain d’Occident, les documents historiques ne nous ont pas laissé de preuves irréfutables d’une utilisation médicinale de la primevère. Ce n’est pas vraiment surprenant dans la mesure où la primevère officinale, commune dans nos campagnes, n’était pas présente dans l’aire des grandes civilisations de l’époque. Ce n’est que bien plus tard – à l’époque des Croisades – que la brave abbesse Hildegarde de Bingen (1098-1179) nous donne une première indication précise sur l’usage de la primevère. Cette information figure dans son « Jardin de santé« . Dans ce manuscrit célèbre, cette nonne allemande qualifie notre « coucou » de « clé des portes du paradis » et y voit un remède efficace dans les cas de mélancolie et de paralysie. Par la suite, les guérisseurs ont également utilisé la primevère officinale pour ses propriétés expectorantesantibiotiquesdiurétiques et laxatives.

Au XVIIIème siècle, le botaniste suédois Carl von Linné (1707-1778) vante ses propriétés sédatives, particulièrement dans la lutte contre l’insomnie. Et il parlait en connaissance personnelle de cause !

Les propriétés médicinales de la primevère n’appartiennent pas toutes à la légende ou à la subjectivité. Aussi bien les racines, que les feuilles, les tiges et les fleurs contiennent beaucoup de saponine, aussi des glycosides spécifiques –  comme  la primuline et de la primulavérine. On peut en retirer – mais en faible quantité – une huile essentielle dont les propriétés sont très proches de celle du camphre, tonique pour le cœur et les voies respiratoires.

La primine, substance allergène que l’on trouve dans toutes les primevères, n’entraîne pas de réaction allergique sur la peau lorsqu’il s’agit de l’espèce officinale.

D’une manière générale, on doit considérer que la primevère n’a pas encore – loin s’en faut – livré tous les secrets de ses propriétés à la science. Mais ce qui est certain et démontré, ce sont ses excellentes qualités médicinales et … aromatiques. Il n’y a pas de contre-indication connue à sa consommation, pour autant qu’elle soit ingérée en quantité raisonnable. (En quantité exagérée, certaines personnes pourraient être incommodées par sa forte teneur en saponine.)

LA PART DE LUCULLUS (Cuisine – Gastronomie)

En cuisine, ce sont les jeunes feuilles ( les feuilles matures deviennent dures et fibreuses) et les fleurs (détachées de leur calice gonflé) qui constituent les ingrédients les plus appréciables pour les gourmets. Les racines sont également consommables, mais réservées plutôt à l’usage médicinal, sous forme de décoction.

Crues, et après avoir été ciselées, les jeunes feuilles mélangées à une salade de betterave rouge ou de carottes râpées par exemple – sont très agréables à consommer et apportent une note printanière au plat. En cuisine chaude, les feuilles se préparent comme les épinards. On peut également les utiliser dans les potages.

Pour les adeptes de la cuisine des fleurs, celles de la primevère officinale ne manquent pas de charme – beauté et saveur de miel – pour parer vos plats de crudités. Je recommande néanmoins de détacher les belles corolles soudées des fleurs de leur gros calice enflé.

Côté desserts, il est courant de parsemer la célèbre « crème anglaise » avec des fleurs de primevère fraîches. On peut aussi cristalliser les fleurs, de la même manière que les violettes odorantes, pour en faire une garniture très appréciée pour les coupes de glaces, les crèmes et certaines pâtisseries.

Côté boissons ménagères, je retiens – entre bien d’autres possibilités – le thé de fleurs, la limonade aux fleurs, et le vin aromatisé aux fleurs de primevères, dit aussi « vin des cardiaques ».

Thé de fleurs de primevère officinale

Il se prépare avec 50 gr de fleurs sèches pour un litre  d’eau bouillante. Mais il se consomme froid, et même glacé. Un petit verre avant le coucher, et vous passerez une nuit paisible dans les bras de Morphée.

Limonade de fleurs de primevère officinale

Remplissez une bouteille d’un litre avec des fleurs fraîches non serrées et non écrasées. Versez de l’eau jusqu’à leur immersion complète. Ajoutez un jus de citron et du sucre cristallisé (50 à 80 gr). Bouchez bien votre bouteille et mélangez en la retournant et en secouant doucement. Placez-là ensuite sur un appui de fenêtre, en plein soleil. Après 24 heures, ouvrez et filtrez le mélange. C’est prêt ! A consommer bien frais et à conserver au frigo. Tonique et délicieux.

Le « vin des cardiaques »

Ce vin parfumé que l’on utilisait jadis pour combattre l’arythmie se prépare dans une bouteille d’un litre remplie avec 50 gr de fleurs fraîches, que vous compléterez avec du vin blanc et un peu de miel liquide. Fermez la bouteille et laissez fermenter au soleil pendant deux semaines. Ouvrez et filtrez. Ce vin peut se conserver en cave. Servez bien frais.

Allons, à bientôt ! Maîtrisez encore un peu votre impatience d’essayer la primevère jusqu’au mois de mars, puis faites moi partager vos impressions et vos commentaires.

 

Votre très chlorophyllement dévoué,
José

 

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